Carmel, le 1er octobre



Ma chère petite maman,


Tu sais, je repense souvent à la vie que nous avions auparavant. Aujourd’hui, comme ça m’arrive parfois, je suis un peu mélancolique, un peu nostalgique. Alors j’ai eu l’idée de t’écrire. Parce que tu sais comment était notre vie avant.
Oui, c’était une belle vie. À Nashville. J’ai toujours aimé Nashville, tu sais. Avec tes origines européennes, je me sentais à la fois Anglais et Français, ainsi qu’Américain par papa. J’ai eu une vie tranquille, une enfance dorée. Dans une famille aimante. J’ai toujours eu tout ce que je voulais. Et avec ma petite sœur, Sunshine, j’étais comblé. En tant qu’aîné, j’essayais de lui montrer l’exemple. Je jouais avec elle, je m’occupais d’elle, je lui lisais des histoires, je l’aidais à faire ses devoirs. Grâce à toi, maman, j’ai toujours eu de très bonnes notes à l’école. J’étais toujours le premier de ma classe. Je voulais tellement que tu sois fière de moi. C’est toi qui m’as poussé à m’intéresser à tout, à m’ouvrir. Et j’en suis très heureux. Tu t’es toujours très bien occupée de Sunshine et moi. Tu as été une mère au foyer extraordinaire, toujours présente pour nous. Je ne t’en remercierai jamais assez.
Oui, la vie était belle. J’avais une famille, je fréquentais les écoles prisées et j’avais des amis, d’excellents résultats, une belle maison à Nashville… J’étais comblé. Nos nombreux voyages en famille, à chaque période scolaire, m’ont formé et ouvert l’esprit. Papa se plaisait à dire que Sunshine et moi étions nés avec une cuillère dans la bouche. En tant que PDG d’une entreprise florissante, il gagnait énormément d’argent. Et il nous offrait tout ce que nous voulions. Mais je ne le voyais pas assez souvent à mon goût. Ce n’était pas facile, maman, même si toi tu étais là.
C’est devenu plus difficile quand j’ai grandi. Je me rendais compte que papa voulait absolument que je reprenne le flambeau familial. J’ai commencé à bosser avec lui. Oh, c’était intéressant, maman. Mais moi, je n’ai jamais voulu faire ça. Une entreprise d’appareils photos, bien que très réputée et se faisant un maximum d’argent, ce n’était pas ce dans quoi je voulais travailler. Moi, j’ai toujours voulu sauver des vies. Etre médecin, chirurgien plus précisément. Même si ça n’avait pas l’air facile comme métier, je trouvais que c’était un très beau métier. Je n’avais pas envie que papa me dicte ce que je dois faire. Je n’avais pas envie qu’on m’impose une vie, qu’on trace mon avenir sans tenir compte de ce que je voulais. C’est pour ça que je suis parti, maman. Je pense que tu l’avais déjà compris. Je suis désolé, vraiment. Mais je ne voulais pas de cette vie. Je voulais construire une nouvelle vie, ma propre vie, avec Kerington. Je suis amoureux d’elle depuis que j’ai douze ans, tu te rends compte ?
J’aurais bien voulu ne pas avoir à fuir comme ça. Si je ne l’avais pas fait, papa ne m’aurait pas rejeté, il n’aurait pas interdit à Sunshine de me voir sous prétexte que je suis une mauvaise influence, et je n’aurais pas été obligé de m’arranger pour t’appeler quand papa n’est pas à la maison. Parfois, j’éprouve des regrets. Mais maintenant, j’ai une vie à Carmel. Une fiancée merveilleuse, que j’aime et qui m’aime. C’est déjà beaucoup, tu sais. Et puis, j’étudie ce qui me plaît vraiment : la médecine. J’ai encore un long chemin à faire, mais je suis déterminé à travailler dur, tu sais. Je suis major de ma promo. J’ai des amis, je vis ma vie. Vous me manquez énormément. Mais ne t’en fais pas, je ne suis pas malheureux, au contraire. Carmel est un très bel endroit pour vivre. Avec Kerington, je m’épanouis pleinement.
Prends soin de toi, ma petite maman. J’espère te revoir très bientôt. Gros bisous de Carmel.



Ton fils, Nate, qui t’aime.